Les 22 et 23 juillet derniers, Maestro Bramwell Tovey était de passage à Québec dans le cadre des stages en direction d’orchestre offerts par l’Académie internationale de musique et de danse du Domaine Forget de Charlevoix.
Maestro Tovey, qui occupera le poste de chef invité principal de l’Orchestre symphonique de Québec dès septembre prochain, a fait un court séjour dans la belle province afin de donner des classes de maître aux chefs-stagiaires participants. Ces derniers auront également eu l’occasion de parfaire leurs techniques en dirigeant les musiciens de l’Orchestre symphonique de Québec.
Les stagiaires en action
Après un rigoureux processus de sélection, l’Académie du Domaine Forget a retenu la candidature de sept chefs-stagiaires. Une fois acceptés, les participants au stage de direction ont dû préparer une douzaine d’œuvres du répertoire symphonique en prévision des classes de maître avec Maestro Tovey :
« La liste d’œuvres à préparer était très sérieuse, c’était du grand répertoire d’orchestre. Ce sont des œuvres que chaque chef se doit connaître, mais ce sont aussi des œuvres qui sont intimidantes, alors la préparation était exigeante. » – Dmitri Zrajevski
« Ça a été un grand défi d’apprendre toutes ces œuvres, de les analyser, de bien connaître chacune des pièces afin de ne pas avoir toujours le nez collé à la partition. C’était la première fois que je dirigeais un orchestre symphonique, et c’était une expérience grandiose! » – Marie-Claire Cardinal
À tour de rôle, les stagiaires ont eu la chance de monter sur le podium pour diriger l’Orchestre symphonique de Québec. À l’unanimité, ceux-ci ont été émerveillés de leur rencontre avec Bramwell Tovey. Ils l’ont décrit comme un pédagogue hors pair, généreux et doté d’un sens de l’humour qui a permis aux stagiaires d’évoluer dans une atmosphère détendue et agréable :
« C’est un pédagogue extraordinaire, un humain d’une immense générosité. Non seulement c’est un musicien génial, mais c’est un pédagogue très sensible, toujours positif, on voit qu’il sait tirer le meilleur de nous en tout temps. » – Dmitri Zrajevski
« Les sessions d’apprentissage avec Bramwell sont très divertissantes, tout en étant captivantes. Il se préoccupe de nous, il est attentif… Je me sens chanceuse d’être ici avec lui et qu’il partage avec nous toutes ses expériences. » – Monica Chen
« L’atmosphère qu’il a créée avec les étudiants est très positive et propice à l’apprentissage : on est là pour travailler, on essaie des choses et si ça ne marche pas, ce n’est pas grave. » – Marie-Claire Cardinal
Bramwell Tovey : le chef et le pédagogue
Notre équipe a eu le plaisir de s’entretenir en personne avec Bramwell Tovey :
[OSQ] : Tout d’abord, bienvenue à Québec! C’est un immense plaisir d’enfin vous recevoir dans le lieu de résidence de l’Orchestre symphonique de Québec. Votre réputation de chef d’orchestre vous précède et nous aurons l’occasion de vous voir en action dès septembre prochain, à la barre de notre Orchestre. Cependant, aujourd’hui, nous découvrons une autre facette de vous : vous êtes également un grand pédagogue! Est-ce que l’enseignement a toujours occupé une place importante dans votre carrière?
[Bramwell Tovey] : J’ai toujours été intéressé par la pédagogie, mais elle n’a pas toujours fait partie de ma carrière. J’ai commencé à être chef d’orchestre à 22 ans, et j’étais pianiste-accompagnateur à l’opéra et au ballet. Puis ma carrière de concertiste a débuté environ 10 ans plus tard. Ce n’est que plus tard, vers 40-45 ans, que j’ai commencé à faire appel à des assistants-chefs d’orchestre. Je les formais, ils venaient étudier avec moi. Par exemple, Tanya Miller, une grande cheffe d’orchestre canadienne, a commencé sa carrière en tant que mon assistante à Vancouver. Après avoir été directeur musical de l’orchestre symphonique de Vancouver pendant 18 ans, on m’a offert un poste de professeur à l’Université de Boston. J’y ai enseigné pendant deux ans, mais c’était trop pour moi. J’ai donc développé ce côté de pédagogue tout en désirant garder ma carrière de chef d’orchestre, de compositeur et de pianiste. Alors, quand Yannick Nézet-Séguin m’a demandé si je voulais me joindre à lui au Domaine Forget pour donner des classes de maître cet été, j’ai dit : « Oui, j’adorerais faire ça! ». Cela devient donc de plus en plus important et c’est vraiment un cas de figure, vous savez : le chef d’orchestre plus âgé peut apprendre beaucoup d’un jeune chef d’orchestre. Nous regardons leur énergie et leur enthousiasme. Mais nous pouvons aussi leur donner des conseils. La pédagogie est donc devenue une partie très importante de ma vie de musicien et j’aime beaucoup ça.
[OSQ] : Est-ce la première fois que vous donnez des classes de maître au Québec?
[BT] : Oui, j’ai donné une classe de maître avec l’orchestre symphonique de Vancouver lorsque nous étions en tournée à Ottawa, il y a quelques années. Mais nous étions de l’autre côté de la « frontière », pas au Québec. J’adore le Québec. J’adore l’Orchestre symphonique de Québec! Je le trouve merveilleux.
[OSQ] : D’après vous, quelles sont les qualités primordiales pour devenir un bon chef d’orchestre?
[BT] : La qualité la plus importante est de se rappeler que nous sommes les serviteurs de la musique et que nous ne sommes pas… des dictateurs. Nous devons donner du pouvoir aux musiciens, et ce sont eux qui font le son, ils font de la musique avec le chef d’orchestre en créant l’environnement qui rend possible la création musicale. Il y a 50, 60 ou 70 ans, Toscanini perdait son sang-froid, tapait sur le podium, quittait la salle et déchirait ses partitions. Nous ne faisons plus cela aujourd’hui. Maintenant, comme un bon enseignant dans une école, notre travail consiste à aider l’étudiant et à lui faire aimer ce qu’il fait. Et je vois cela comme étant la principale qualité requise. La deuxième qualité, c’est de s’assurer qu’en tant que jeune étudiant, on est absolument préparé, parce qu’il y a beaucoup de partitions à apprendre lorsqu’on commence. La troisième qualité est la suivante : ne pas oublier que vous avez devant vous une salle remplie de musiciens qui ont joué ces morceaux de nombreuses fois avant vous. Il est primordial de respecter cela, sans toutefois se laisser submerger. Donc, je pense que ces qualités sont : être humain, être préparé et valoriser les musiciens.
[OSQ] : Si vous aviez un conseil à donner aux futurs chefs d’orchestre de la relève, que serait-il?
[BT] : On apprend de tout le monde. Si vous assistez au concert d’une école secondaire ou d’un ensemble musical dans un parc, le chef n’est peut-être pas le meilleur que vous aurez vu, mais vous apprendrez toujours en regardant les autres, qu’ils soient musiciens, acteurs ou danseurs). Mon travail en tant que professeur consiste à enseigner aux musiciens la technique rudimentaire, mais aussi à prendre ces individus et à les aider à trouver un moyen de rendre leur direction d’orchestre efficace pour eux. Ce qui fonctionne pour Bramwell Tovey ne fonctionne pas forcément pour d’autres personnes. Mais j’en ai tellement vu maintenant que je pense que je peux aider. Et puis, lorsque vous entrez dans la salle d’orchestre devant un grand orchestre comme l’OSQ, les musiciens savent instantanément quel genre de chef d’orchestre vous êtes et cela aide beaucoup, donc je pense que c’est le conseil que je donnerais : soyez authentique, soyez naturel, soyez honnête et ne cessez jamais de vouloir apprendre.
[OSQ] : Vous tiendrez le poste de chef principal invité de l’OSQ pour les deux prochaines saisons. Quelles sont vos attentes quant à votre passage au sein de l’Orchestre (les défis que vous désirez relever, les résultats que vous espérez atteindre, et l’expérience que vous désirez en tirer)?
[BT] : Tout d’abord, la raison pour laquelle j’ai accepté ce poste est que, lorsque je suis venu diriger il y a deux ans, l’Orchestre symphonique de Québec a donné un concert fantastique et j’ai adoré l’atmosphère de travail. Également, j’aime le Québec. J’y viens en visite depuis plus de 20 ans et les gens ici sont incroyablement amicaux. Ils acceptent que je sois maladroit en français, tout le monde sourit tout le temps, et lorsque je fais de la musique ici, je me sens bien. Alors, quels sont mes espoirs et mes aspirations? Que je puisse aider à promouvoir l’Orchestre, qui est l’un des meilleurs du pays, et que nous puissions faire de la musique tout en préparant le terrain pour le futur directeur musical. C’est un poste que je ne peux pas envisager, donc pour moi, c’est merveilleux de venir travailler avec ces grands musiciens qui forment l’Orchestre. J’avais déjà une vie bien occupée, mais quand on m’a demandé si je pouvais venir diriger au Québec une dizaine de fois dans les 2 prochaines années… J’ai tout de suite dit « Oui! ». Comment ne pas tomber sous le charme? Un excellent orchestre, une superbe ville, un formidable public, et une culture des arts de la scène qui est tellement riche! Et que dire de l’architecture? Québec est tellement historique, donc pour moi c’est… vais-je oser dire ça? Oui, je pense que je peux le dire : Québec est ma ville préférée en Amérique du Nord. C’est étrange à dire, car je n’y ai jamais vécu, mais être ici, c’est comme être à la maison. J’ai très hâte d’y revenir en septembre et j’espère que ce que j’accomplirai pour l’Orchestre et pour le public aidera dans le cadre du processus de recherche du nouveau chef d’orchestre. Je suis très honoré qu’on m’ait demandé d’assurer la transition pendant les deux prochaines années et je suis très honoré d’avoir pu accepter.
Ne manquez pas le premier concert de Bramwell Tovey avec l’Orchestre symphonique de Québec, le mercredi 22 septembre 2021 à 20h, au Grand Théâtre de Québec. Pour tout savoir sur notre programmation d’automne, visitez le www.osq.org.